Chroniques
Le conte, aventure au cœur du patrimoine littéraire
Forme ancestrale de récit, aux vertus moralisatrices, initiatiques et par extension, pédagogiques, le conte s’invite au programme des émissions de la radio télévision scolaire dès ses débuts. Il permet d’explorer à différents niveaux, de la maternelle au secondaire, le langage, mais aussi l’histoire, l’éveil musical, ou même des notions de sociologie.
Années 1950 et 1960 : Une mise en avant de l’aspect pédagogique du conte
Deux fourmis, mère et fille, se préparent à une expédition visant à découvrir l’endroit où se couche le soleil. Tel est le point de départ de Zakoto, la dernière fourmi (1957) une des premières productions de la série Contes et comptines, destinée aux élèves de préélémentaire pour des activités d’éveil au langage et à sa compréhension.
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Le récit interprété par la comédienne Madeleine Ozeray, n’est pas accompagné de musique et se présente aux élèves avec beaucoup de simplicité, pour être à l’écoute de l’univers qui est conté où le règne animal se révèle bien dangereux. Zakoto, la dernière fourmi, Série : Contes, (1957-IPN), 16 min |
Au cours de la décennie qui suit, le succès des émissions radiophoniques de contes amène les concepteurs de ces ressources à les enrichir de pistes d’animations artistiques. « Il serait souhaitable d'assurer à un grand nombre d'enfants l'apport éducatif très riche de ce folklore enfantin. Exercices de langage, de rythme, de chant, offrent à toutes les sections d’inépuisables thèmes.»
Bulletin de la radio-télévision scolaire, Page 19, 15 juin 1964, IPN
Parmi cette collection de contes diffusés dans les années 1960, certains titres ont pu être numérisés et sont à écouter sur le catalogue : Intempéries, Série : contes et comptines, (1968-IPN), 13 min Conte de Noël, Série : contes et comptines, (1964-IPN), 11 min
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Dans les années 1960, des productions telles que La pantoufle de grain de sel exploitent cet aspect transdisciplinaire du conte radiodiffusé.
| Adapté de l'oeuvre de Marcelle Boudier, le conte met en scène le dialogue des arbres. Il est suivi de l'exercice "La main qui danse" en deuxième partie. La pantoufle de grain de sel, Série : contes et comptines, (1965-IPN), 15 min |
Le mime, le dessin, ou encore la pâte à modeler font partie des pistes d’exploitation du programme. « Le jeu sensoriel » proposé par le document d’accompagnement dans la rubrique des pistes d'exploitation pédagogique vient développer l’écoute du conte radiodiffusé, croisant plusieurs activités scolaires. Facultés de compréhension et d’analyse d’une histoire et appropriation par la création sont ainsi sollicitées pour des élèves qui s’apprêtent à apprendre à lire et écrire.
En 1967, la série télévisée en 5 parties Le nouveau Télémaque, introduit dès son générique le concept de conte pédagogique, en inscrivant cette mention sur un carton. Le programme joue avec l’ancestralité des mythes littéraires et leur portée intemporelle. Transposée à l’époque contemporaine et transformée par le prisme de la mise en abyme, les aventures de Télémaque à la recherche d’Ulysse, font écho à celles du jeune Pierre qui doit retrouver le chemin de sa classe. Le jeune garçon dans la lune, exclu par le professeur de la classe pour avoir manqué d’attention, se retrouve en pleine quête initiatique, à l’instar des figures mythologiques de l’Antiquité.
Cet extrait du premier épisode donne l'entrée en matière dans le principe du récit : jouer avec la dimension onirique et historique de la mythologie grecque. Extrait de Le Nouveau Télémaque, 1er épisode «Vers l'Egypte», Réalisé par Serge Witta, Série : Images de français pour la classe, (1967-IPN), 20 min |
Le professeur déclare sa leçon :
« Au moment où nous ouvrons ce livre, Télémaque est prisonnier dans une tour, devant la mer, en Égypte.»
Puis il demande à Pierre de poursuivre la lecture et réalise qu’il est inattentif. Il ordonne à son élève :
« C’est bien , vous ne suivez pas, prenez vos affaires. Vous irez continuer à ne pas suivre en permanence ! »
En mettant en scène l’espièglerie du jeune collégien et des éléments d’apprentissage de l’histoire de la Grèce Antique, ce feuilleton s’ancre dans la lignée des programmes de la R.T.S. empruntant une forme de pédagogie ludique.
Les enfants mentionnent parmi ce qu’ils ont aimé dans le programme :
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Les 5 épisodes du feuilleton dans la série Images pour la classe de français, en ligne sur le catalogue
Tremplin pour des activités manuelles et des travaux pratiques au cours préélémentaire, ou encore matière à aborder la civilisation grecque de l’Antiquité et sa littérature, la forme du conte, son univers surréaliste et merveilleux fournissent au travail en classe un aspect ludique, tout en livrant des éléments d’instruction. En s’adressant à des élèves plus âgés, ainsi qu’aux parents, les programmes de la R.T.S. ont également exploré l’art de conter à travers ses pratiques sociales et sa réception par différents publics.
Des histoires universelles et intergénérationnelles : le conte et ses dimensions sociales
La série radio Le club du lundi diffuse en 1977 Un conte catalan, Pierre au Flutiau.
| Alain Lagarda, spécialiste des cultures régionales, introduit cette adaptation radio, dans laquelle se mêle le catalan d’origine et la traduction française. Un conte catalan : Pierre au flutiau, émission de Nicole Zucca, Série : Le club du lundi, (1977-CNDP), 19 min.
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Si l’émission demeure comme le mentionne les intentions pédagogiques du document d’accompagnement un outil pour :
« apprendre à lire un texte : en découvrir les fonctions, la structure et le style (...)(elle consiste aussi en un excellent matériau pour) « aborder tout le domaine de la culture populaire (…), en examiner le rôle social et prendre conscience de la diversité culturelle ».
Le romancier Claude Seignolle, invité de l’émission Un conteur se raconte : Claude Seignolle dans la série destinée aux élèves de second cycle, Des œuvres au langage, se prête à un exercice littéraire en narrant sa propre existence sous forme de conte. Son histoire implique aussi bien le merveilleux que des éléments propres à sa Dordogne natale, soulignant l’aspect patrimonial de l’art de conter.
| L'auteur commente son rapport à la littérature et comment celle-ci transforme et sublime son rapport au quotidien :
Un conteur se raconte : Claude Seignolle, Série : Des oeuvres au langage, (1980-CNDP), 20 min |
Sur le plateau de l'émission Les 24 jeudis, Les enfants et nous, la conteuse Evelyne Cévin évoque l’œuvre des frères Grimm et leurs méthodes de recueil des histoires folkloriques qui ont alimenté leur travail. Elle souligne l’universalité de ces récits, tels que Cendrillon ou Le petit chaperon rouge que l’on peut lire chez d’autres auteurs, tels que Charles Perrault.
L’entretien aborde la nature potentiellement violente et la portée féroce du conte. Danièle Lévy, présentatrice de la rubrique de cette émission rappelle ainsi aux téléspectateurs que la présentation du conte du genévrier des frères Grimm a « choqué » 80% du public adulte alors qu’approximativement 80% des enfants étaient ravis. Autour des contes pour enfants, Série : Les enfants et nous, Les 24 jeudis, (1978-CNDP), 14 min. |
Le dialogue entre la conteuse et l’animatrice rappelle que cette forme de récit sait parler à toutes classes d’âge confondues, et que les émotions que les contes suscitent sont importantes dès l’enfance.
Diffusée en 1982 l'émission La petite sirène de Hans Christian Andersen, dans la série Des œuvres au langage, met en avant le paradoxe de cette forme littéraire entre cruauté et merveilleux, souvenir chaleureux de l’enfance qui se révèle moins idyllique à travers un regard adulte. Ce témoignage de deux adultes, entrecoupé de la lecture de l’œuvre, aborde la question de la féminité, et interroge la représentation de la femme.
| La petite sirène de Hans Christian Andersen, Série : Des oeuvres au langage, (1982-CNDP), 20 min
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Jeanne, une des deux adultes participant à l'émission témoigne
« La petite sirène, c’est avec La chèvre de Monsieur Seguin, un de mes contes préférés et ce sont pourtant deux contes très tristes. Maintenant, je garde un souvenir attendri d’avoir aimé ce conte mais je le trouve en même temps très ambigu et très dangereux (...) Malgré cette condamnation de la sexualité, je garde un souvenir très attendri, parce que je pense que pour un enfant qui se sent malheureux, y a une espèce d’identification possible avec cette petite sirène merveilleuse qui est mal dans sa peau, qui a peur en quelque sorte de ce qui va lui arriver et qui est triste et qui a aussi après son aventure avec le prince un sentiment très aigu de l’injustice, d’être incomprise, d’avoir des qualités extraordinaires que le prince, c’est-à-dire les adultes, n’arrivent pas à deviner. »
Des traditions littéraires sans cesse renouvelées
En piochant dans les différents aspects du conte, son rattachement régional, son lien avec le genre fantastique, et son ambiguïté charmant les plus petits comme les adultes, les producteurs de la R.T.S. ont proposé à tous niveaux des émissions interrogeant ce genre littéraire. Conçu à l’origine pour être dit et non lu, le conte ne cesse d’exercer son attractivité, en se transposant à l’ère numérique avec des projets élaborés au collège tels que Conter pour retrouver le plaisir de lire et d'écrire, développé pour les journées de l’innovation 2016.
En savoir plus
Les séries Radio autour de la littérature sur le catalogue en ligne
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