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La télévision scolaire et éducative
Le service de la radio-télévision scolaire (RTS) est créé en 1954 au sein de l’Institut pédagogique national. Sous la direction d’Henri Dieuzeide, il participe à la modernisation de l’enseignement. À travers ce nouveau média, l’ambition est de révolutionner les méthodes pédagogiques et, au début des années 1960, de faire face à l’augmentation du nombre d’élèves et au manque de professeurs. Les objectifs sont les suivants : favoriser l’égalité des chances et susciter le désir de formation.
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Dans l’éditorial du premier numéro des bulletins de la radio-télévision scolaire publié en janvier 1964, Henri Dieuzeide expose les ambitions que revêt la production de programmes audiovisuels pédagogiques pour les élèves et la communauté enseignante :
« Les maîtres doivent prendre conscience que les émissions n’ont d’autre but que de constituer, entre tous les enseignants, une vaste coopérative expérimentale destinée à pourvoir à leurs besoins véritables. Radio et télévision ne peuvent vivre – et ce bulletin exister – que dans un échange constant d’expérience professionnelle, d’invention et d’enthousiasme entre les enseignants qui élaborent les émissions et ceux qui, de l’autre côté de l’écran, les intègrent à leur effort quotidien » bulletin de la RTS, janvier 1964
Malgré la volonté de s’adresser à tout le corps enseignant et aux élèves, la télévision scolaire a fait face à des inconvénients, en termes d’accessibilités notamment : peu d’écoles étaient munies d’un récepteur de télévision, la taille réduite des écrans ne permettait pas de suivre correctement les programmes diffusés ou bien les horaires imposés par les émissions en direct posaient des problèmes d’organisation des emplois du temps.
Bien que ce nouveau média proposait d’expérimenter une autre façon de faire classe et a en cela constitué les prémices d’une éducation à l’image, à ses débuts, un faible pourcentage d’enseignants s’est emparé de cet outil télévisuel.
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Voici un aperçu des grands moments de la production audiovisuelle pédagogique qui ont jalonnés le monde du petit écran.
LES COURS FILMES ET LES EMISSIONS DE PLATEAU DES DEBUTS DE LA TELEVISION SCOLAIRE
Dans les années 50, la durée hebdomadaire de diffusion des émissions de la télévision scolaire était de 1h30, elle passe progressivement à 4h par semaine entre 1960 et 1961. Le développement de la production télévisée coïncide avec une pénurie importante de professeurs engendrée par le prolongement de l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans (ordonnance signée par Charles de Gaulle en janvier 1959).
À cette époque, les programmes proposés sont calqués sur les méthodes d’enseignement traditionnels et ce sont des cours filmés qui sont majoritairement diffusés. Dans les matières scientifiques, cela se traduit par la réalisation d’émissions dont la forme est très académique : un professeur en plateau dispense sa leçon et réalise des expériences appuyant son propos.
En histoire, et en complément des émissions très didactiques, sont proposées des évocations scénarisées durant lesquelles des moments spécifiques sont rejoués.
Au fur et à mesure, les équipes techniques, les réalisateurs et les pédagogues producteurs (auteurs) des émissions ont su s’adapter aux possibilités offertes par l’outil audiovisuel en pleine expansion et de nouvelles formes ont pu être proposées.
L'EVOLUTION DE LA TECHNIQUE : FILMER EN EXTERIEUR
Grâce à l’allègement des moyens de tournage les équipes peuvent ainsi partir sur le terrain, en France ou dans le monde. Dans l’émission « Jardin public », de la série « Étude du milieu » réalisée en 1965, l’introduction en voix off explique ce que permettent les avancées techniques :
« Cette émission a été rendue possible grâce à certains progrès techniques dans la prise de vue de cinéma. Les caméramen ont été équipés avec des instruments de travail très légers, des caméras professionnelles très petites, d’un aspect amateur qui leur ont permis de capter des scènes réelles sans que les gens photographiés ne s’en aperçoivent. Parfois même, ils se sont cachés derrière des grilles, des arbres ou des arbustes. Le matériel de prise de son, lui aussi, était léger et portatif, grâce au transistor qui a permis l’enregistrement continu sur place. Nous allons épier les mille détails d’une journée d’automne dans un jardin public à Paris, de l’aube au soir. Les choses et les faits que vous allez voir sont tels que l’on les y trouve, nous n’allons rien dire pour le moment, à vous de trouver le sens, aiguiser votre don d’observation […] »
Fiche d'accompagnement pédagogique du programme éditée dans les bulletins de la RTS |
La série « Télé voyages » propose de découvrir le mode de vie des enfants en France et à travers le monde, l’objectif étant le développement de la curiosité :
« Depuis septembre 1965, nous suivons régulièrement les émissions du mercredi et apprécions particulièrement “Télé Voyages” et “Le monde animal” qui nous ouvrent des horizons et nous offrent des connaissances que les petits Normands accueillent avec d’autant plus de joie et d’intérêt qu’ils n’ont pratiquement jamais quitté leur milieu rural très fermé » Courrier des lecteurs, bulletin de la RTS, mars 1966.
Fiche d'accompagnement pédagogique du programme publiée dans les bulletins de la RTS |
La télévision scolaire s’éloigne aussi des plateaux pour investir les salles de classe. En 1966, débute la production de la série « Atelier de pédagogie », destinée, dans un premier temps, aux maîtres de l’enseignement élémentaire et du premier cycle, puis aux professeurs de collège et de lycée. Ses objectifs sont d’informer, de sensibiliser et de préparer les instituteurs au métier d’enseignant, en mathématiques tout d’abord, en expression orale et écrite ensuite. 277 émissions seront réalisées jusqu’en 1983. Les caméras s’invitent dans les établissements scolaires et mettent en avant différentes expérimentations pédagogiques développées sur le territoire.
Fiche d'accompagnement pédagogique du programme publiée dans les bulletins de la RTS |
L'AGE D'OR DE LA TELEVISION SCOLAIRE (1963-1978)
À partir de 1963, un programme de développement de l’enseignement audiovisuel est lancé avec la mise en œuvre d’un plan d’extension des moyens mis à disposition. Deux axes principaux s’en dégagent : l’équipement des établissements en poste de radio ou télévision et l’augmentation du volume horaire des émissions diffusées à l’antenne. En 1962, le volume hebdomadaire de diffusion sur la 1re chaîne était de 5h, il est passé successivement à 9h20, 13h30 et 14h10 en 1965 pour atteindre 20h à la fin des années 1960.
« Au cours de l’année 1965-66, la télévision scolaire a diffusé 950 émissions se répartissant en 38 séries et comprenant des émissions destinées à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire ainsi qu’aux adultes. » Bulletin de la RTS, février 1967
Cette diffusion élargie s’est faite dans tous les domaines : éducation à l’image (« Initiation à l’audiovisuel »), cinéma (« Aller au cinéma », « Rencontres »), littérature (« Lettres », « Initiation aux œuvres »), philosophie (« Enseignement de la philosophie »), théâtre (« Théâtre de tous les temps », « Théâtre à l’école »), mathématiques (« Chantiers mathématiques », « Activités mathématiques »), histoire (« Civilisations »), géographie, économie (« Éveil à dominante sociale et économique »), informatique (« À la découverte de l’informatique »), etc.
[Retrouvez dans les rubriques Chroniques et Entretiens certains de ces thèmes et sujets déjà mis à l’honneur.]
Exemples de deux séries qui ont marqué cette période de production fleurissante.
- Les hommes dans leur temps (1965-1977) :
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- Entrer dans la vie (1967-1976) :
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En parallèle, un nouveau département, dirigé par Roland Garnier est créé en 1964 au sein de la RTS. Dédié au développement des actions de « promotion sociale », l’Institut pédagogique national expérimente des séries d’émissions spécifiquement conçues pour un public d’adultes non enseignants.
« La prise de conscience se fait de façon inégale. Mais quelques idées simples ne sont presque plus discutées : l’éducation sera de plus en plus l’affaire de toute la vie, chaque homme sera amené à changer de métier plusieurs fois dans sa vie. Dix ans après avoir pris conscience de “l’explosion scolaire”, on découvre l’obligation éducative à tout âge. » Bulletin de la RTS, 13 mars 1967.
La formation pour adulte voit donc le jour et en 1965, la série d’expression française « À mots découverts » est proposée à l’antenne (23 épisodes). Chaque émission d’une demi-heure comprend plusieurs rubriques et porte sur les outils fondamentaux du langage : grammaire, orthographe, vocabulaire, rédaction, etc.
À la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, d’autres séries suivront, toujours accompagnées d’un livret détaillé pour chaque programme : « Des mots pour nous comprendre », « Cours pratique d’électricité », « Initiation à la lecture de dessins techniques », « Automatisme », « Initiation à l’économie », etc.
TELEVISION SCOLAIRE ET TELEVISION EDUCATIVE
Au cours des années 1970, avec l’essor de la télévision et le développement de la concurrence entre les chaînes (la troisième chaîne en couleur Inter 3, anciennement FR3 et aujourd’hui France 3, est créée en 1972), la programmation et le mode de diffusion évoluent et de nouveaux formats sont développés. La réduction du temps d’antenne des émissions pédagogiques est amorcée en raison, entre autres, de l’augmentation des coûts de diffusion.
En 1976, à la demande de TF1, le CNDP (Centre national de la documentation pédagogique) propose le magazine « Les 24 jeudis », une émission de plateau, d’une durée de 4 heures, en direct. Elle devait s’adresser à tous les niveaux scolaires, de la maternelle au lycée, par tranche successive.
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Par la suite, d’autres magazines éducatifs vont se succéder : « Le chemin des écoliers » (1985-1991), « Parole d’école » (1990-1993) ou « Génération 3 » (1987-1994). Au cours de ces plateaux, différentes séries sont diffusées à destination des élèves : « Avis aux lecteurs », « Voix aux chapitres » (adaptations d’œuvres littéraires destinées à l’incitation à la lecture), « Paysage à la carte » (découverte du monde), « Les sentiers de l’histoire » (initiation à la démarche historique), etc.
On retrouve aussi des programmes tels que « Les Badaboks » ou « Les Crobs », formats inspirés de la télévision généraliste : l’« Esthétique de la marionnette », héritée de « L’Île aux enfants » ou de « Sésame Street », pour les Badaboks et du dessin animé des années 1980 pour les Crobs. Pour ces deux derniers exemples, on parlera davantage de télévision « ludo-éducative » dont la valeur pédagogique est d’ailleurs un peu plus discutable.
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En 1994, est créée La Cinquième, une chaîne entièrement consacrée à l’éducation et aux savoirs. Avec sa capacité de production et son expérience, le CNDP est rapidement et naturellement apparu comme un collaborateur privilégié. Un nouveau volet de la création audiovisuelle éducative s’ouvre alors.
En savoir plus :
- La télévision éducative, retour vers le futur ? Dossier, 2020, Réseau Canopé
- Hélène Duccini, « Histoire d’une illusion : la télévision scolaire de 1945 à 1985 », Le Temps des médias, 2013/2, n° 21, p. 122‑133).
- Les revues d’accompagnement pédagogique numérisées dans le cadre du pôle associé avec la BNF et disponibles sur GALLICA.
- Viviane Glikman, « Archéologie de la télévision éducative : la dérive d’une action », in Laurent Trémel (éd.), Les Pratiques audiovisuelles, Paris, Les Éditions d’un autre genre, 2009, p. 19-40.
- René Duboux, « De la télévision scolaire à la culture multimédia », Communication & Langage, 1996/110, p. 24-25.
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