Focus

Atelier de pédagogie, une cour de récréation en 1976

La « récréation » peut être définie comme un « temps de liberté accordé aux élèves pour qu’ils puissent se délasser » [1]. Les cours de récréation seraient donc des lieux dédiés au jeu et à la détente dans les établissements scolaires. Mais, qu’en est-il vraiment ? Exemple d'un projet de réaménagement réalisé au milieu des années 70.

La cour de récréation se positionne comme un véritable espace de socialisation et d’intégration culturelle au sens où les élèves peuvent y interagir et développer des compétences sociales. Ils peuvent apprendre à partager, à coopérer ou encore à résoudre des conflits. Les temps passés dans la cour sont des moments où les élèves peuvent exprimer librement leurs émotions, jouer et se détendre. Essentiels au développement des enfants, ces espaces offrent des opportunités sociales, physiques ou émotionnelles importantes. 

L’émission de la télévision scolaire, « La cour de récréation » prend pour matière centrale la question de l’aménagement de cet espace nécessaire à l’incitation à l’éveil de l’enfant comme à la découverte de nouveaux jeux et à l’exercice de l’imagination. Tourné durant plusieurs mois de 1975 à 1976 à l’école élémentaire de Saint-Aubin-du-Médoc, le film décrit la genèse et la réalisation de cette expérience pédagogique qui a vu collaborer enfants, enseignants, parents et municipalité. 

La particularité de l’épisode « La cour de récréation » est de restituer la parole des enfants de la même manière que celle des adultes, en les plaçant sur un pied d’égalité. 

Le jeu et la socialisation

Les cours de récréation sont généralement pourvues de divers équipements de jeu tels que des balançoires, des toboggans, etc. Il est important que les écoles accordent une attention particulière à la conception des cours de récréation pour les rendre stimulantes, et favoriser ainsi le développement global des enfants.

Comme le montre cette émission, les élèves ont des propositions à faire pour améliorer les temps de jeu et de pause (cabanes en bois, sable, toboggan, bassins avec des poissons, etc.). Les deux principaux inconvénients, de la cour d’école de Saint-Aubin-du-Médoc, sont sa dimension et le goudron.

Il manque des espaces verts et des zones de jeux diversifiées pour favoriser d’autres types d’activités en fonction de l’âge des élèves.

Dans cette école, ce sont les barrières qui limitent l’accès à plus de nature et de jeux. Le projet de l’établissement vise donc à ouvrir ces espaces et à en déterminer les différents usages. L’objectif est toujours de privilégier le jeu tout en favorisant le bien-être de chacun : accès à un point d’eau, plus de pelouse pour bouger sans se faire mal. Les élèves interrogés à l’image, n’oublient pas de prendre en compte l’importance que pourrait avoir certains de leurs choix :

 Les élèves sont donc mis à contribution et participent à la conception de cette nouvelle aire de jeux en insistant sur leurs besoins. Dans l’idéal, ils souhaitent moins de goudron et davantage de nature.

La communauté éducative

Ce projet d’école est plus qu’un projet pédagogique. L’ensemble de la communauté éducative est sollicité. La municipalité est favorable à l’agrandissement de la cour pour passer de 9 m² par élève à 16 m² tout en diversifiant les surfaces de jeux. Néanmoins, les impératifs budgétaires et la pérennité de ce réaménagement font aussi l’objet d’une analyse.

Les familles sont également consultées lors d’un conseil des parents d’élèves. Leurs inquiétudes et leurs avis sont entendus. Il leur est demandé de venir aider ou de fournir le matériel nécessaire à la construction de ces nouveaux aménagements (buses, roue de charrette, etc.). Les volontaires peuvent contribuer au chantier de construction piloté par la municipalité.

La participation active des parents à ce projet permet de lever les doutes qu’ils pourraient avoir concernant les aspects liés à la sécurité.

La surveillance et la sécurité

La surveillance des temps de récréation est ressentie comme minime par les élèves. Ils savent que les enseignants et les personnels sont présents pour surveiller et assurer leur sécurité mais considèrent que la cour reste l’espace qu’ils se sont appropriés contrairement à la salle de classe. Ils ont l’impression d’être plus autonomes et moins encadrés pendant ce temps de pause, ils se confient à ce sujet avec une certaine espièglerie qui n’échappe pas au réalisateur du film.

La sécurité reste le sujet principal pour les enseignants, les parents et l’équipe municipale de cette école. Le conseil des parents d’élèves émet quelques inquiétudes sur l’encadrement dans la perspective d’évolution et d’élargissement de la cour d’école.

Proposer des matériaux adaptés aux différents jeux est également une solution pour limiter les risques de blessure. Par exemple, réduire les surfaces goudronnées au profit d’espaces comportant davantage de sable ou de terre battue dans les aires de jeux de type suspension ou toboggan.

L'équipe municipale émet également des réserves concernant ce projet d’ouverture, et plus précisément sur la suppression des barrières actuelles.

Ce questionnement autour des barrières va être contourné. Elles seront utilisées comme un outil pour délimiter des zones de jeux distinctes, entre les petits et les grands, afin d’éviter une concentration d’élèves trop importante au même endroit. Ces espaces redessinés vont faciliter la mise en œuvre de différentes pratiques pédagogiques.

Favoriser l’éducation corporelle

L’enseignante qui a la charge du projet de réaménagement de la cour voit, dans la participation des élèves à la conception des nouveaux espaces, un moyen de travailler sur des chapitres du programme scolaire comme les calculs ou l’éveil pour les plus jeunes. À terme, elle pense cette évolution comme un moyen de développer l’« éducation corporelle » (c'est-à-dire l’EPS).

En ce sens, la dernière partie du reportage met en avant les nouvelles pratiques pédagogiques mises en œuvre en éducation physique et sportive. Les cours en extérieur sont facilités et peuvent être dispensés sous forme d’ateliers où les élèves sont répartis en petits groupes. Cette organisation en atelier a favorisé l’entraide entre les élèves.

Le nouvel aménagement a permis de diversifier les activités grâce aux nouveaux équipements. Ils sont mieux adaptés et positionnés de sorte que l’enseignant puisse encadrer et intervenir sur l’ensemble des ateliers de travail réalisés dans la cour d’école.

Un projet porteur de valeurs solidaires, chères au milieu éducatif

Quelques mois après la fin des travaux, l’enseignante tire un bilan plutôt positif du nouvel aménagement de la cour d’école. Les espaces sont délimités et plus sécurisés car ils sont adaptés, à la fois, aux usages pédagogiques et récréatifs. Les nouveaux espaces ont permis aux élèves de développer des capacités d’entraide et de sociabilisation.

Le point négatif concerne l’entretien de ces installations. L’usure ou encore la salissure due aux zones plus naturelles ou moins goudronnées, entraînent un nettoyage plus important par le personnel municipal. Sujet pourtant soulevé par un élève lorsqu’il s’agissait d’imaginer une cour d’école idéale.

En donnant la parole aux enfants, en la croisant avec les instances municipales, parentales et professorales, le projet de Saint-Aubin-du-Médoc témoigne d’une expérimentation originale relayée auprès des enseignants par la télévision scolaire. En choisissant une école de campagne, les auteurs du film livrent un exemple de ce qui peut être produit, sans pour autant l’ériger comme modèle absolu. Les écoles en zones urbaines auront pu s’en inspirer en l’adaptant à leur propre environnement.

« La cour de récréation », dans l’esprit d’autres émissions de la série Atelier de pédagogie, livre une image de ce que les projets participatifs, au sein de l’institution scolaire, ont pu développer au cours des années 1970 et 1980. Aujourd’hui, ces réflexions restent toujours d’actualité. Le contexte du confinement et les enjeux liés au réchauffement climatique mettent en exergue la nécessité de repenser la cour de demain.

"La cour de récréation", série : Atelier de pédagogie, Magazine. Emission réalisée par Albert Gokelaere en 1976 (CNDP). Programme entier (46 minutes)

[1] « Récréation », 2022, dans Le Robert dictionnaire pratique de la langue française, Paris. 

Bibliographie :

• Delalande Julie, « La cour d’école : un lieu commun remarquable », in Recherches familiales, n° 2, 2005, p. 25-36. DOI : 10.3917/rf.002.0025.
• Delalande Julie, « La cour d’école. Un espace à conquérir par les enfants », in Enfances & Psy, n° 33), 2006, p. 15-19. DOI: 10.3917/ep.033.0015.
• Delalande Julie, « La socialisation des enfants dans la cour d’école : une conquête consentie ? », in Isabelle Danic, Olivier David et Sandrine Depeau (dir.), Enfants et jeunes dans les espaces du quotidien, Rennes, Presses universitaires de Rennes. DOI : 10.40000/books.pur.27153.
• Pasquier Gaël. « La cour de récréation au prisme du genre, lieu de transformation des responsabilités des enseignant-e-s à l’école primaire », in Revue des sciences de l’éducation, vol. 41, n° 1, 2015, p. 91–114.
• Ministère de l’Éducation du Québec, « Aménagement d’une cour d’école primaire », 2024.

En savoir plus :

• La cour d'école, un enjeu pour le bien-être des élèves, Ouvrage collectif, Réseau Canopé, 2024
• Archiclasse, « Cour », Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, 2024.
• Old School : En archives : L'aménagement des espaces, réalisé par Eric Guichaoua, 2022-Réseau Canopé.
• Regards croisés sur la télévision scolaire : Les ateliers de pédagogie, réalisé par Michel Erard, 2014-Réseau Canopé.

Article rédigé par Amélie Rouffin, documentaliste (Réseau Canopé)

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