Focus

1974, la majorité à 18 ans

Il y a 50 ans, le 5 juillet 1974, la loi sur le passage de la majorité civile, civique et pénale à 18 ans, a été promulguée. C’était une promesse électorale de Valéry Giscard d’Estaing qu’il a mise en application dès les débuts de son mandat. En 1976, la radio-télévision scolaire s’est emparée du sujet et a décidé de donner la parole aux premiers concernés.

L’abaissement de l'âge de la majorité, de 21 ans à 18 ans, a fait augmenter le corps électoral de 2 400 000 citoyens et s’il permet d’obtenir le droit de vote, il donne aussi la possibilité pour les jeunes de vivre en dehors du domicile familial, de s’émanciper de l’autorité parentale, d’accéder à la contraception, de se marier ou encore d’ouvrir un compte en banque sans l’accord parental. La France était en retard par rapport à ses voisins européens, l’Angleterre (1969) et l’Allemagne (1970). Ce sont les évènements et le mouvement des étudiants de mai 68 qui ont accéléré les discussions sur le sujet.

 

Sélection de documents de la radio-télévision scolaire réalisés entre 1975 et 1976, dédiée au sujet :

Une émission de télévision et une série de radio, composée de six épisodes, consacrées à la parole de ces jeunes et aux effets que cette nouvelle loi a pu avoir sur leur vie. Elle pose la question suivante : sommes-nous des vraiment adultes à 18 ans ?

 

 

Ces programmes ont principalement interrogé des élèves suivant un parcours scolaire en CET (enseignement technique) et confrontés au monde du travail dès la sortie du lycée.

 « Tous les enseignants et les élèves rencontrés après la promulgation de cette loi, adolescents des C.E.T ou des C.E.S, apprentis ou jeunes travailleurs ont émis le désir d’aborder ce thème, de l’approfondir, de prendre conscience des répercussions pratiques dans leur vie quotidienne, leurs relations familiales, leurs responsabilités civiques, pénales. Elles constituent un écho très actualisé au problème plus « philosophique » posé (…) : le passage de l’adolescence à l’âge adulte. » Dossiers pédagogiques de la RTS, Janvier 1976.

18 ans aujourd'hui, série : Entrer dans la vie, réalisée par Catherine Terzieff (1976-OFRATEME) - 27 min.

Produite pour la série « Entrer dans la vie », cette émission avait pour objectifs principaux d’aider les élèves du cycle terminal pratique à s’informer sur la vie professionnelle et à appréhender le monde moderne afin de favoriser leurs capacités à réfléchir et à se questionner sur la vie en société.

 

« Avoir 18 ans, vous entendez des adultes autour de vous dire, c’est un âge merveilleux, avoir 18 ans aujourd’hui, c’est être majeur depuis la loi du 5 juillet 1974. Nous avons voulu savoir si cette loi est entrée dans les faits, dans les mentalités et si la vie des jeunes de 18 ans en a été modifiée. Nous avons choisi de venir ici à Grenoble. » Telle est l’introduction de l’émission diffusée, sur les antennes de TF1, le 09 avril 1974.

Dans ce reportage tourné dans la ville de Grenoble, en Isère, Jacques Dugowson part à la rencontre de jeunes, d’enseignants, d’un animateur de centre de formation, d’un conseiller municipal et de familles. Ils témoignent tous des répercussions de cette loi dans leur vie quotidienne, scolaire, sociale, professionnelle, syndicale ou politique.

"Jacques Dugowson : Et ça change beaucoup de choses de devenir majeur, c’est important ? Philippe :  ça peut être important, sur certains points, par exemple le droit de vote. Maintenant, on a le droit de vote à 18 ans. JD : Tu t’es inscrit sur les listes ? Philippe : Oui oui oui, tout de suite, ça peut changer beaucoup de choses, étant donné qu’avant on ne donnait la parole aux jeunes et maintenant, ils sont obligés de leur demander"

 

Ce programme apporte des thèmes de réflexions variés, propices à la discussion et au débat, il questionne l’engagement citoyen et le vivre ensemble, dans une société des années 70, en pleine mutation.

La même année, les équipe du CNDP ont enregistré pour la radio des documentaires traitant des mêmes problématiques, toujours en privilégiant la parole des jeunes.

18 ans aujourd’hui – Club du lundi, série de la radio scolaire composée de 6 émissions (1976) :

La production de ces programmes a commencé dès l’année 1975, ils se sont déclinés en 6 thématiques abordant un sujet d’actualité précis : 1. La famille, 2. Je suis responsable de mes actes, 3. Je suis électeur, 4. La poésie, 5. La chanson, 6. 18 ans hier

La famille

Dans la construction de cette série, les auteures (Annie Chassignat, Myette Hébrant, Josette Bareille, Hélène Puybareau) ont pris en compte les sujets qui revenaient le plus souvent. Dans les discussions préalables, lorsqu’il a été question de la loi sur l’abaissement de la majorité, le thème de la famille est a été récurrent, avoir 18 ans, c’est synonyme de plus de « libertés » et particulièrement lorsqu’il s’agit des relations avec les parents.

18 ans aujourd'hui : La famille, série : Club du lundi (1976-OFRATEME) 20 min.

 

« Il nous est alors apparu nécessaire de poser le problème, dès la première émission, le plus clairement possible, de façon à ce que les auditeurs puissent s’y reconnaître, s’y retrouver et qu’ils prennent l’envie d’en savoir plus sur la loi et les réelles répercussions qu’elle pourrait avoir pour eux dans la vie familiale quotidienne ». Fiche pédagogique : 18 ans aujourd'hui : La famille, Dossiers pédagogiques de la radio-télévision scolaire, Janvier 1975

L’émission a été enregistrée au C.E.T de Champigny-sur-Marne avec deux classes de C.A.P (employés de bureau, aides-comptables) et un groupe « Action-jeunes » (formation en direction des jeunes demandeurs d’emploi).

L’objectif des différents témoignages proposés dans cette émission de radio : laisser chacun s’exprimer librement sur les relations parents-enfants, sur ce qu’est pour eux le principe de devenir adulte, sur ce qu’implique la liberté de partir de chez ses parents et la prise de responsabilité envers la loi.  

Je suis responsable de mes actes

   

Dans cette deuxième émission, ce sont des témoignages de jeunes encore mineurs, placés dans un foyer d’assistance éducative par un juge pour enfant, et de jeunes adultes (18 à 26 ans) qui sont mis en avant. Lorsqu’on est confronté à des problèmes familiaux, psychologiques ou même de justice, comment concevoir le fait d’être responsable de ses actes et qu’est-ce que cela implique ?   

18 ans aujourd'hui : Je suis responsable de mes actes, série : Le club du lundi (1976-OFRATEME) 20 min.

   

Pour susciter débats et réflexions chez les élèves, des sujets tels que la famille, l’éducation et la citoyenneté sont évoqués. En partant de l’expérience personnelle de chacun, l’idée est de parvenir à faire naître une pensée plus générale sur la vie en société. Des professionnels du milieu socio-éducatif viennent compléter le discours des jeunes interrogés.

« Le foyer ne peut pas être éternel, il faudra partir… » ; « C’est nous qui créons notre société, c’est à nous de savoir ce qu’on en fait, de diriger nos gestes, nos actes »

Victor neuropsychiatre du foyer explique pour conclure l’émission : « On parle en général de la majorité d’une manière beaucoup trop théorique c’est-à-dire sans que l’on envisage la majorité administrative ou juridique, la majorité sur le plan social en particulier politique, le droit de vote. Il y a la majorité physiologique, biologique mais il y a aussi une majorité affective et celle-ci, elle me semble très importante. On en parle peut parce qu’on ne sait pas très bien comment l’aborder, et ce soir, tous ensemble, on s’est vite aperçue qu’il n’y avait pas une majorité mais que chacun vivait sa majorité d’une manière personnelle. Si on n’est pas rassasié d’enfance, je me demande si on pourra un jour être satisfait de l’âge adulte ». Fiche pédagogique : 18 ans aujourd'hui : Je suis responsable de mes actes, Dossiers pédagogiques de la radio-télévision scolaire, Janvier 1975

 Je suis électeur

En 1974, la France est un pays jeune, un tiers de la population a moins de 20 ans, l’enjeu du vote est donc un sujet de société important.

18 ans aujourd'hui : Je suis électeur, série : Club du lundi (1976-OFRATEME) 19 min.

Consulter la fiche pédagogique du programme.

 

Après un rappel de la loi sur la majorité électorale, l’émission donne la parole à un groupe de jeunes filles, élèves en C.E.T, puis une discussion s’engage, entre quatre jeunes de plus de 18 ans, sur l’importance de développer une conscience politique et donc un engagement citoyen.

Le sentiment de citoyenneté, l’intérêt du vote et de la politique, la construction de l’esprit critique, tels sont les enjeux de société pour ces jeunes fraîchement majeurs et donc électeurs : « Voter c’est déjà prendre conscience de ce qu’il se passe ».

Ils témoignent tous de leurs idées, de leur perception de la société, qu’ils soient encore lycéens, étudiants ou déjà dans la vie active.  

« Ce qu’il faudrait, c’est que tout le monde vote à 18 ans, que tout le monde prenne conscience de l’intérêt du vote »

 « Moi je pense que quand on est jeune travailleur, on produit, on a un salaire, on a l’impression de rentrer dans le cycle économique de la société. Tandis que quand on est lycéen et étudiant, on nous fait souvent cette remarque :  vous n’avez rien à dire, vous êtes des privilégiés, vous avez les études quasiment gratuites, vous ne produisez pas, la réalité politique de vous concerne pas »

 Dans le milieu scolaire, au lycée, la question du vote des délégués de classe est déjà perçue, par certains, comme une entrée dans la vie citoyenne. Une jeune femme parle son expérience : « Les élections de délégués étaient vraiment une véritable campagne électorale, dans le lycée où j’étais […] Les délégués n’étaient pas tellement élus selon leur personnalité mais vraiment selon leur programme et cela a contribué à faire prendre conscience de l’importance du vote ». L’éducation à la citoyenneté participe à la transmission de valeurs et de principes de la République.

18 ans en 1936

Au C.E.T de Champigny, les élèves des classes de 3ème année, employés de bureau et aides comptables, rencontrent Benigno Casérès.

18 ans aujourd'hui : 18 hier, série : Club du lundi (1976-OFRATEME) 20 min.

Consulter la fiche pédagogique du programme.

 

En 1930, à 12 ans, il entre en apprentissage pour être ouvrier charpentier. En 1936, il a 18 ans lorsque le front populaire remporte la majorité des sièges aux élections législatives. En 1976, il est écrivain et s’occupe, à Peuple et culture, d’éducation populaire (promotion de l’éducation et de la formation pour toutes et tous).

Ces échanges entre les lycéens et Benigno Casérès apportent une autre dimension, aux sujets et réflexions présentés, dans les épisodes précédents de la série. A travers les questions posées, c’est un regard plus historique qui est proposé. Dans les années 30, que signifiait avoir 18 ans et quelles différences avec la jeunesse des années 70 ? Il évoque le quotidien de cette époque, l’école, les conditions de travail, le contexte politique et les conquêtes sociales (les conventions collectives, la semaine de 40h, les congés payés). Il insiste sur le pouvoir de la culture et de l’éducation nécessaire au développement de l’esprit critique de chacun.  

Ces émissions pédagogiques ont été réalisées pour créer du débat, susciter des échanges entre les jeunes et les adultes, en classe ou en famille, et sur tous les aspects que recouvre le passage de la majorité à 18 ans.

L’histoire nous sert à réfléchir et à développer notre pensée, l’éducation à la citoyenneté est un parcours qui se construit sur la durée et dès le plus jeune âge. Aujourd’hui et depuis plusieurs années, la question se pose régulièrement d’abaisser l’âge de la majorité à 16 ans avec les mêmes réflexions et interrogations, est-on suffisamment mûr et responsable à cet âge pour s’exprimer sur l’avenir d’une société.

En savoir plus :

Nous contacter : archivesaudiovisuelles@reseau-canope.fr

 


publié le 05/07/2024