Chroniques

Enseigner dans les années 1970 : défis et réalités du quotidien des instituteurs

“L’explosion scolaire” (1) du début des années 60 et les évènements de mai 68 ont modifié le paysage de l’école primaire. Après 1969 la rénovation pédagogique, qui a eu lieu en France, a consisté en une série de réformes et d'innovations visant à moderniser l'enseignement, le rendre plus adapté aux évolutions de la société et aux nouvelles approches pédagogiques.

Des portraits, des expériences

L’émission « Les instituteurs », réalisée en 1976, présente les portraits d’enseignants exerçant leur métier, en milieu rural ou urbain, dans le département de la Marne. Alternant la parole de ces professeurs et des séquences de leur travail en classe, le film aborde les problématiques auxquelles ils sont confrontés et évoque chez certains la manière dont les missions évoluent depuis quelques années.

[Début du programme jusqu’à 12 min.] Jean Voinchet est instituteur depuis 31 ans à Omey, un village de 400 habitants, près de Châlons-sur-Marne. Formé à l’école normale, il raconte son adaptation aux différentes évolutions de l’enseignement, notamment au début des années 70 avec le développement de la pédagogie active. Au cours de sa carrière, il n’a jamais pu bénéficier de temps de « recyclage » (terme employé pour parler de la formation des enseignants, au cours de leur carrière, permettant de s'adapter aux évolutions pédagogiques, aux nouvelles méthodes d'enseignement, et aux changements des programmes scolaires). Pour Jean Voinchet, ce sont les activités d’éveil qui ont été les plus compliquées à installer et à faire fonctionner en raison d’un manque de formation, d’information et de moyens.

[12 min. jusqu’à 19 min.] Dans la banlieue de Châlons-sur Marne, une enseignante de 24 ans témoigne. Elle a terminé ses études en 1973 et exerce en classe de perfectionnement. Les caméras la suivent en classe durant une séance de mathématiques et de lecture. Une discussion s’engage ensuite entre elle, Philippe, réadaptateur en psychomotricité et Brigitte qui prépare un diplôme pour travailler dans des centres pour enfants inadaptés. Ils évoquent leur métier, leurs attentes et les difficultés que cela peut parfois recouvrir.  

[19 min. jusqu’à la fin] A l’école d’application de l’école normale de Châlons-sur-Marne, témoignage, de Madame Masse. Elle enseigne depuis 1961 après avoir obtenu son certificat d’aptitude professionnel. À la suite d’une séance en classe, elle revient sur le rôle du maître d’application au sein de la formation des jeunes enseignants.

Monsieur et Madame Gauthier, l’expérience du tiers temps pédagogique dans une école rurale de la Vienne

Les années 1970 ont vu l'introduction progressive de méthodes pédagogiques dites « actives », inspirées par les travaux de pédagogues comme Célestin Freinet. Ces méthodes mettaient l'accent sur l'autonomie des élèves, l'apprentissage par le jeu, et la coopération entre pairs, mais elles restaient marginales dans le système scolaire traditionnel.

Marçay est une émission en deux parties qui a été diffusée dans la série Atelier de pédagogie, destinée à l’information des maîtres dont l’objectif était de donner :

« une véritable tribune à la confrontation des initiatives et des inquiétudes de la base, des impulsions et avis des différents courants d’innovation et de rénovation […]. Gardant un caractère « ouvert », ces émissions sont conçues pour une écoute collective et une exploitation sous forme de débat » (Spécial programmes : cycle élémentaire, premier et second cycles, 1971-1972, OFRATME)

Dans la première partie du document, les équipes de la télévision scolaire suivent Henri et Mariette Gauthier, instituteurs à Marçay depuis 1948, petit village, proche de Poitiers dans la Vienne. Ils font partie des pionniers dans la tentative de mise en place du tiers temps pédagogique, avant 1969. À travers cette expérience d’éducation globale de l’enfant, ils ont cherché à développer, avec les moyens à leur disposition, une méthode incluant des travaux pratiques, des activités artistiques, sportives, et culturelles, ou encore des projets interdisciplinaires.

Cette émission présente des séquences montrant le déroulement d’une journée scolaire au CM et au CE. Dans cette école, les quatre heures de la matinée (9h-13h) sont consacrées aux disciplines intellectuelles (français, mathématiques…) et les deux heures de l’après-midi (15h-17h) sont consacrées aux activités physiques et artistiques.

L’introduction de la deuxième partie de l’émission, précise :

« Le tiers temps pratiqué à l’école de Marçay, n’est pas exactement le tiers temps préconisé par les circulaires d’application de l’arrêté du 7 août 69 et la rénovation pédagogique, comme nous l’avons vu dans la première émission, concerne davantage l’esprit général, le climat de l’école que la méthode de telle ou telle discipline. Mais cette expérience a servi de référence au lancement du tiers temps »

Au cours des années 1970, les réformes pédagogiques et les expériences menées ont modifié les approches éducatives. L’accent était mis sur une pédagogie plus active et plus ouverte. On passait de l’enseignement frontal et magistral à des méthodes favorisant davantage l’autonomie des élèves, la réflexion critique et l’interdisciplinarité. Les futurs instituteurs étaient initiés à ces nouvelles méthodes pendant leur formation.

Réflexions sur la formation, l’évolution du métier et le renouvellement des pratiques de l’enseignement

Réalisées en 1974, deux émissions dans la série Magazine de la formation continue, tentent de répondre à la question : « Que signifie être instituteur en 1974 ? »

L’introduction de la seconde partie du programme précise :

« Dans le monde moderne les sources du savoir sont autant à l’extérieur de l’école qu’à l’intérieur, les modèles éducatifs anciens, ce que nous avons connus et dont nous avons du mal à nous détacher deviennent périmés. Ils n’appelaient à aucune transformation, ils ne permettaient pas la participation des élèves à leur propre éducation. Aujourd’hui, le poste de travail de l’instituteur change parce que poussé par ces ses élèves, son rôle évolue. Il devient urgent, que cette politique d’innovation et ces résonances auprès des formateurs eux-mêmes, que la réaction en chaîne atteigne tous les échelons de responsabilité »

Le poste de travail de "l'instituteur" change et son rôle évolue. La politique d'innovation pédagogique doit resonner jusque dans le mode de formation des enseignants. Différents témoignages, discussions et analyses viennent apporter des éléments de réponse sur la manière de mettre en place de nouvelles pratiques.

Les années 70 ont marqué un changement dans l’approche de la professionnalisation des enseignants. Le métier d'instituteur qui se caractérisait par une formation encore largement traditionnelle, et qui s’appuyait sur des pratiques pédagogiques souvent centrées sur la transmission de savoirs de manière magistrale, est en pleine transition. Une transformation s’engage avec l'apparition de nouvelles méthodes pédagogiques qui prendront davantage d’ampleur dans les décennies suivantes.

La loi d'orientation sur l'éducation de 1989, également connue sous le nom de loi Jospin, a marqué un nouveau tournant dans le système éducatif français. Parmi ses nombreuses dispositions, elle a transformé le statut des instituteurs en celui de professeurs des écoles et les premiers IUFM (Instut universitaire de formation des maîtres) sont apparus au début des années 90.

(1) L’explosion scolaire, Louis Cros, Comité Universitaire Pédagogique (1961)

En savoir plus :

• Portrait de Jean Voinchet, Les hommes dans leur temps (1976, CNDP), réalisation : Dominique Brillaud – 19 min.
• La pédagogie primaire entre 1945 et 1970 : l'impossible réforme ? : 1969 : un tournant pédagogique, Pierre Khan (pages 43 à 58)
• Des instituteurs aux professeurs des écoles : quelle formation des maîtres ? (2024) Vie publique, au coeur du débat public

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