Chroniques

Des élèves à l’œuvre pour recycler les déchets

Jeune télévision, programmé en 1972, et Paysages dégradés tourné en 1978 et diffusé en janvier 1980 déclinent à leur façon l’implication du système scolaire dans l’apprentissage du recyclage, et de l’organisation de la gestion des déchets. Ces productions livrent une image de l’intérêt porté à cette dimension de l’action écologique, et de son déploiement dans le domaine de la pédagogie, il y a plus de quarante ans.

Jeune télévision : la dimension poétique de la bouteille plastique

Episode de la série télévisée Foyer Socio-Éducatifs, l’émission Jeune télévision part à la rencontre de quelques-uns des 1100 adhérents du foyer socio-éducatif d’un important lycée général et technique de Liévin, dans le département Pas-de-Calais. L’écriture et la réalisation audiovisuelle font partie des activités proposées au sein du foyer, et cette activité fournit l’objet du travail de l’équipe de la télévision scolaire sur le terrain. Trois lycéens de première mécanique décrivent ainsi leurs intentions de réaliser un film croisant l’écologie à la description de leur ville et de son environnement.

Son camarade poursuit en décrivant avec minutie leur scénario. Il suit l’itinéraire de cette bouteille, de l’étal du marché jusqu’à la décharge publique où elle est destinée à être brûlée, en passant par la table d’un repas de famille, un camion à benne, la rivière, et un terrain de jeu pour enfants où cet objet en plastique se transforme temporairement en ballon.

À l’issue de cette séquence où les trois adolescents décrivent leur note d’intention, l’un d’entre eux revient sur la forme de leur idée d’origine : créer un dessin animé.

« Comme le temps était limité, on a pensé à faire ce dessin. Ça montre l’évolution de la pollution : un endroit verdoyant, recouvert de champs, ensuite, l’endroit pollué avec ses usines, ses décharges, les voitures qui polluent, l’avion, le versement des eaux, et tous ces immeubles que la vie moderne apporte. » Dessin de Liévin créé par les lycéens de première mécanique

Le programme se poursuit en suivant les péripéties de ces lycéens, dans leur démarche d’apprentis réalisateurs, faisant face aux aléas du réel. Un certain temps est ainsi consacré à la recherche d’une femme voulant se prêter au jeu de la « comédie » pour incarner celle qui achète la bouteille au marché. Tout tournage ne se déroule pas comme prévu. Les lycéens devront renoncer à leur idée de faire jouer une femme d’origine polonaise, comme ils le souhaitaient afin de souligner l’importance de cette communauté dans le département Pas-de-Calais. La suite de leur scénario prend forme à l’écran soutenu par les équipes de l’OFRATEME (Office français des techniques modernes d’éducation, ancien nom de Réseau Canopé).

Le film Jeune Télévision consiste principalement en un témoignage de l’expérience du travail de réalisation dans un foyer de lycéen en restituant leurs intentions. Néanmoins, le choix des élèves concernant un sujet lié à l’écologie, et la symbolique des derniers plans, présentant un amoncellement de déchets de la décharge publique, confèrent à ce programme une dimension pédagogique, sensibilisant les téléspectateurs à des questions environnementales. Un an avant la diffusion de cette émission à la télévision, le ministère de l’environnement était créé en janvier 1971.

La place des déchets : une immersion expérimentale

Avec un aspect plus pragmatique, Paysages dégradés, diffusé en 1980 dans la série L’homme et le paysage, se pose plus frontalement la question de la transformation des déchets. Le programme s’intéresse aux problèmes de la pollution liée à une décharge municipale et à l’aménagement du terrain à Ruffey-lès-Beaune en Bourgogne. Alternant des séquences avec une classe de cours moyen et des entretiens autour de questions scientifiques et urbanistiques, Paysages dégradés livre une matière documentaire ainsi que des pistes pour travailler autour du recyclage dans un cadre scolaire.

Le film s’ouvre sur une succession de diapositives à diverses échelles, avant le carton de générique, pour élargir son cadre, et faire apparaître les élèves d’une classe de CM venus visiter une déchetterie avec leur professeur.

Les élèves se livrent librement à des remarques sur les éléments de cette décharge : ne pouvait-on pas récupérer la poignée de ce réfrigérateur ? Ou bien changer le moteur ? En changer ne revient ‘il pas plus cher que d’en acheter un neuf ? Le professeur les mène sur une piste de travail en leur demandant :

« Comment pourrait-on voir ce que ça va devenir ? » Hésitant, un élève réplique « Ben euh…en prenant ces objets et…Et puis de voir comment ils disparaissent, pas ici mais dans un autre lieu (…) par exemple à l’école »

Une série d’entretiens succède à cette séquence. Un géologue décrit comment la nature du terrain, très calcaire, est propice à une pollution importante des nappes phréatiques. Le maire adjoint de Beaune revient sur l’insuffisante infrastructure dont est dotée la région en matière d’assainissement des eaux. Le maire d’une petite commune du département analyse cette situation en soulignant la contamination de la rivière par une ancienne décharge sauvage :

« Pendant des années, tout le monde ici amenait ses ordures et malgré les panneaux d’interdiction qu’on avait placé, une barrière de barbelés également, tout le monde continuait quand même (…) je pense que quand le terrain sera nivelé, il sera possible de faire une plantation de peupliers. »

Tandis que le dernier entretien se termine, un homme apparaît en arrière-plan, avec deux des élèves de l’école de Ruffey-lès-Beaune. C’est un professeur de sciences naturelles, qui donne une brève leçon autour de la végétation dans cette décharge abandonnée.  Ses propos permettent de clore cette série de rencontres pour prolonger le film lors d’une séance de classe au cours de laquelle les élèves de C.M. travaillent autour de la dégradation de différentes matières.

Une dernière série de rencontres et d’entretiens prend place dans le second volet du film. Un homme et une femme retraités racontent comment les ordures étaient traitées avant la mise en place d’un service de collecte de déchets. Des employés de la collecte témoignent de leurs conditions de travail. Puis le maire d’une autre commune évoque les « scories », ces résidus polluants qui proviennent de l’usine d’incinération.

Le film s’achève sur une note plus fantaisiste, en mettant en scène les mots des enfants dans leur salle de classe. Si leurs idées concernant le recyclage des déchets prêtent souvent à sourire, ces propos délibérément farfelus montrent aussi que la solution est bien loin d’être évidente, pour les enfants comme pour les adultes.

Vers l'éco-citoyenneté

La production documentaire autour de la gestion du recyclage et de la pollution a régulièrement été une préoccupation au sein de la radio-télévision scolaire. Dès les années 60, des films, comme des émissions de radio sont consacrées à ce sujet. Plus tard, les 25 épisodes de la série Environnement, produite entre 1971-1975, approfondissent ce thème avec des programmes comme Le milieu urbain et l’industrie (1975) et Action de l'homme sur les équilibres naturels (1972).

En se développant, la RTS a cherché à impliquer de manière plus directe les élèves dans le concept et l’écriture des émissions.  Jeune Télévision et Paysages dégradés abordent ainsi ces questions environnementales en mettant en scène les activités des élèves. Ces deux programmes se font écho lorsqu’ils mettent en avant la sensibilité des élèves, enfants comme adolescents. Avant que l’éco-citoyenneté ne devienne un terme familier dans le milieu éducatif, ces deux films montrent, dès les années 1970, l’intérêt pour ce sujet auprès des adultes en devenir.

Programmes disponibles sur le catalogue des archives audiovisuelles en ligne sur le même sujet :

Pour aller plus loin :

• Thématique : Éduquer à la transition écologique et sociale, plateforme Canotech : la formation continue des enseignants (Réseau Canopé)
• La semaine européenne de la réduction des déchets : Qu'est ce que la S.E.R.D. ?

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